Le président Obama a exhorté les Etats-Unis à accueillir quelque 10.000 réfugiés en provenance de Syrie. Par la suite, plus de 20 gouverneurs ont dit qu'ils refusaient d'accueillir des réfugiés dans leurs États.
Après les attaques terroristes du 13 novembre à Paris, David Bowers - le maire de Roanoke, Virginie - a exhorté les gouvernements locaux et les associations sans but lucratif de ne pas accepter de réfugiés syriens. Selon le Roanoke Times, le gouverneur en a appelé au président Franklin D. Roosevelt qui, selon Bowers « s’est senti obligé de séquestrer les ressortissants étrangers japonais après le bombardement de Pearl Harbor, et semble-t-il que les risques de préjudice que l’EI fait courir à l'Amérique sont maintenant tout aussi réels et sérieux que ceux de nos ennemis d’alors ».
Une vague de protestations a incité le maire Bowers quelques jours plus tard à exprimer ses regrets d’avoir offensé les gens par ses remarques. Mais il ne suffit pas de s’excuser d’avoir blessé les sentiments des gens, il faudrait de actes en plus.
Si nous ne freinons pas de telles déclarations irresponsables de personnalités publiques, les gens vont devenir violents sous la peur et la colère dans la guerre contre le terrorisme. Je peux témoigner personnellement des coûts d'une telle peur et haine.
Là où ça peut mener
Un couple américano-japonais a été assassiné dans une ferme voisine de la nôtre, et un Philippin américain a été blessé dans une fusillade pour avoir été trop amical avec des Américains d'origine japonaise.
Au milieu de la turbulence, le président Roosevelt a promulgué le décret 9066, pour nous retirer dans les camps. Le même jour, le FBI a déplacé des milliers d'hommes, y compris mon père et notre pasteur. Ils ont été envoyés à une version de «Guantanamo» propre à la Seconde Guerre mondiale, à Bismarck, dans le Dakota du Nord, réservé aux Américains d'origine japonaise, allemande et italienne.
Pour notre sécurité, Maman nous a emménagés dans la ville où nous vivions avec la femme et la famille du pasteur. Une nuit, nous avons été réveillés par des coups de feu. Des miliciens ont affirmé avoir vu des signaux de lampe de poche dans les hautes fenêtres de notre église. Étaient-ce des messages clandestins envoyés depuis les fenêtres? Nous ne raisonnons pas sainement quand nous succombons à l'hystérie de masse.
Avant notre départ pour notre internement, mes parents ont gardé nos affaires dans le sous-sol de notre église, comme l'ont fait les autres membres. Des incendiaires ont brûlé l'église en notre absence - très probablement, après avoir pillé nos objets de valeur.
Chacun de nous est parti pour le camp avec tout ce que nous pouvions mettre dans une valise. Notre famille est allée à Poston, Arizona - un lieu désert, comme d'autres camps dans le Wyoming, l'Idaho, l'Utah, le Colorado et à Hawaii.
Les étés sont chauds, torrides, et les hivers très froids. Les tempêtes de poussière ont soulevé le sable dans les baraques légères construites à la hâte. Les familles ont été entassées dans des chambres simples, 20 par 20 pieds, dans les baraques. Dans notre famille, nous étions cinq. Nous utilisions les équipements publics pour nous baigner, utilisions les toilettes, lavions nos vêtements et mangions dans un mess. La perte de toute vie privée a accentué notre humiliation d'être des «étrangers ennemis».
Il est temps de remettre les pendules à l’heure
Voici comment le maire Bowers peut remettre les pendules à l’heure.
- D'abord, il doit présenter des excuses publiques pour un point tout à fait mensonger. La plupart des gens qui sont allés dans les camps d'internement n’étaient pas des « ressortissants étrangers japonais ». 68% des 110.000 Américains japonais détenus en captivité étaient des citoyens américains.
- Deuxièmement, le maire doit reconnaître que les Américains d'origine japonaise n’ont jamais représenté de menace pour des activités d'espionnage et de sabotage.
- Troisièmement, le maire devrait reconnaître que le décret 9066 du président Roosevelt est maintenant largement rejeté comme modèle pour la sécurité, parce que l'emprisonnement était une violation des droits constitutionnels à un procès équitable, comprenant accusations et procès par un jury de pairs.
Le Président George HW Bush a dit clairement en 1991 qu’ « on ne restaure pas les années perdues comme on n’efface pas les souvenirs douloureux par une somme d’argent et des paroles seulement..», a-t-il dit de façon très opportune quand il a envoyé les indemnisations pour l'internement.
« Nous ne pouvons jamais réparer complètement les torts du passé. Mais nous pouvons prendre une position claire en faveur de la justice et reconnaître que de graves injustices ont été commises à l’encontre des Américains d'origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale ».
Et puis, au 50e anniversaire de l'attaque de Pearl Harbor, le président Bush a ajouté: «L'internement des Américains d'ascendance japonaise était une grande injustice, et elle ne sera jamais répétée ».
Nous ne pouvons pas, cependant, être aussi optimistes. Des personnalités attisent l'hystérie et la haine contre les réfugiés du Moyen-Orient qui rappellent celles qui ont suivi Pearl Harbor.
Avec des paroles qui rappellent les messages des médias sociaux aujourd'hui, le lieutenant-général John L. DeWitt, général en charge du Commandement de la défense de l'Ouest, a écrit au secrétaire américain de la guerre en 1942, les propos suivants : «La race japonaise est une race ennemie et alors que beaucoup de Japonais de deuxième et troisième génération nés sur le sol américain, possédaient la citoyenneté américaine, s’étaient «américanisés», les tensions raciales ne sont pas tombées ».
Dans une forte déclaration qui défie la logique, DeWitt a déclaré : « Le fait même qu’aucun sabotage n’a eu lieu à ce jour est une indication inquiétante confirmant la nécessité de cette mesure ».
Les gouverneurs aujourd'hui commencent à ressembler aux gouverneurs du début de la Seconde Guerre mondiale. Le gouverneur de l'Idaho Chase Clark a déclaré aux journalistes : « les Japs vivent comme des rats, respirent comme des rats, et agissent comme des rats ». Homer M. Adkins, gouverneur de l’Arkansas, a dit: «Nos gens ne sont pas familiers des coutumes ni des particularités des Japonais, et je doute qu’il soit sage de les placer tous dans l’Arkansas ».
Malgré la défiance du gouverneur, le gouvernement fédéral a placé deux des dix camps dans l'Arkansas, mais sur un terrain devenu pratiquement marécageux durant la saison des pluies.
Parce que des propos débridés, haineux tenus par d’éminentes gens aujourd'hui peuvent aussi conduire à des mesures aussi drastiques et violentes, je suggère que l’on cherche à infléchir de telles perspectives.
Nous pouvons tous appeler à la raison et à la retenue de façon à forcer les dirigeants à promouvoir notre sécurité sans violer les droits civils. Le clergé et les congrégations peuvent développer des relations personnelles avec ceux qui sont vulnérables aux actes de haine, et se manifester debout avec eux.
Les Américains d'origine japonaise n’ont jamais oublié le révérend Melvin Wheatley (qui devint plus tard un évêque évangélique méthodiste) et son épouse, Lucile, avec d'autres membres de la First United Methodist Church à Fresno, qui sont devenus temporairement propriétaires de maisons appartenant à des Américains d'origine japonaise et y ont emménagé de manière à protéger ces maisons de pyromanes. Les Américains d'origine japonaise n’ont également jamais oublié les visites que Wheatley leur ont faites dans les camps.
"Là où le péché abonde, la grâce surabonde." (Rm 5.20)
Sano, qui est né à Brawley, Californie, a servi comme évêque dans les régions de Denver et Los Angeles.